actu-match | Vendredi 20 Novembre 2009

Nouveaux «bruits de bottes» au Proche-Orient

| Photo Morteza Nikoubazl / Reuters

Paru dans Match

L’Iran arme massivement le Hezbollah pour contrer une éventuelle attaque israélienne... La tension monte à la frontière nord d’Israël où la milice chiite a amassé, grâce à l’aide directe de Téhéran, trois fois plus de missiles et de roquettes qu’elle n’en avait en juillet 2006 à la veille de la deuxième guerre du Liban.

de notre envoyé spécial en Israël, Richard Darmon - Paris Match

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Le 4 novembre, les commandos de la marine israélienne ­arraisonnaient en Méditerranée, à 180 kilomètres des côtes libanaises, un cargo, le « Francop », battant pavillon antiguais, venant d’Iran et faisant route vers le port ­syrien de Lattaquié. A son bord, près de 500 tonnes d’armement (dissimulées dans des containers derrière deux rangées de sacs en plastique contenant des matières chimiques industrielles), dont 3 000 roquettes ­Katioucha de calibres 107 et 122 mm, 3 000 obus de gros calibre, 9 000 obus de mortier, 20 000 grenades offensives et près d’un demi-million de cartouches pour armements plus légers.

Pour l’Etat hébreu, cette capture (considérée comme une « goutte d’eau » dans l’océan de centaines d’autres envois maritimes venus d’Iran) est la preuve formelle que le Hezbollah – ­auquel ces armes étaient destinées via la Syrie – n’a cessé de violer depuis août 2006 la résolution 1 701 du Conseil de sécurité de l’Onu censée instaurer un cessez-le-feu au Liban-Sud par le renforcement des forces de la Finul en vue de rendre enfin effective la démilitarisation de la région située au sud du fleuve Litani.

Le Hezbollah se réarme grâce à l'axe Iran-Syrie

Or rien ne se passe comme prévu : voilà plus de trois ans que le Hezbollah se réarme à outrance grâce à l’axe Iran-Syrie, à tel point qu’il aurait réussi – à la barbe des soldats plutôt passifs de la Finul – à stocker quelque 60 000 roquettes et missiles dont le tiers peut toucher, comme l’a précisé voilà quelques jours le cheikh Hassan Nasrallah, numéro 1 de la milice chiite, « toutes les villes et tous les sites stratégiques du territoire israélien ». Pire encore : fidèle à sa stratégie du « poisson dans l’eau », le Hezbollah a éparpillé et caché ces énormes arsenaux dans les sous-sols de 180 petits villages à majorité chiite du Liban-Sud, tous transformés en « places fortes ».

En cas de tirs sur Israël, Tsahal n'hésitera pas à raser les places fortes de la milice chiite

Après cette prise du « Francop » – et après avoir montré tout ce qu’il renfermait aux diplomates de 44 pays et aux attachés militaires de 27 armées étrangères en poste en Israël –, le gouvernement de Jérusalem a fait passer (sans doute par la ­diplomatie française) un message très clair censé « responsabiliser » le nouveau gouvernement Hariri à Beyrouth et mettre ­sévèrement en garde le Hezbollah: au cas où celui-ci s’aviserait de tirer des missiles sur Israël – notamment pour riposter à une hypothétique attaque de l’aviation israélienne contre les sites nucléaires iraniens –, l’aviation et l’artillerie de Tsahal n’hésiteraient pas à raser toutes ces places fortes très « explosives » de la milice chiite. Avec toutes les conséquences que ces raids pourraient avoir sur la population locale.

Cela explique pourquoi, malgré le faux calme qui règne encore dans cette région sous haute tension, des centaines de villageois ont commencé à prendre des dispositions pour quitter momentanément leurs maisons, craignant de devenir les ­cibles collatérales d’une ­nouvelle guerre. Si bien que, sur cette toile de fond de plus en plus inquiétante des avertissements israéliens et de la course du ­régime ­iranien au nucléaire militaire, cette tumultueuse ­région qu’est le Proche-Orient hésite entre la voie de la paix et celle de la guerre.